vendredi 18 novembre 2011

Les indignés d' "Occupons Utopia" désignent un secrétaire général pour leur mouvement!

Ce qui suit pourrait être un conte de Noël dédié à la mémoire de Victor Hugo, un écrivain qui a osé s'indigner publiquement du sort réservé à la majorité de ses contemporains. Depuis 1831, date de parution de "Notre-Dame de Paris", les dirigeants des nations occidentales ont travaillé avec ardeur à délocaliser la misère ailleurs pour avoir la paix chez eux, mais une fois fait le tour de la planète nous revoilà au point de départ et la justice sociale est encore à conquérir...
Pour éviter toute ressemblance fâcheuse avec une ville précise, situons la nouvelle qui suit dans la contrée mythique d'Utopia.

La Revue de l'Année en date d'aujourd'hui.

18 novembre 2011.
Très tôt ce matin, les indignés d'Occupons Utopia installés depuis deux mois sur la Place Centrale ont acclamé un secrétaire général pour leur mouvement social informel. Il s'agit d'un dénommé Quasimodo, un sans-abri qui avait pris l'habitude de fréquenter ce lieu d'occupation symbolique. Il s'est fait prié, il a protesté de son total désengagement socio-politique, mais devant l'argument décisif qu'il fallait faire contrepoids à l'omniprésence médiatique du Père Noël, il s'est rallié et on l'a porté à bout de bras dans le parc en criant "Noël, Noël....

Le tout n'aurait pu être qu'une farce populaire n'eut été de l'arrivée d'un huissier accompagné de policiers venu signifié aux occupants la mise en demeure des autorités politiques d'Utopia de vider les lieux corps et biens immédiatement. La parade joyeuse se métamorphosa en protestations sur la base de la reconnaissance des droits civiques à s'indigner publiquement. La tension monta d'un cran et le huissier signifia aux deux agents qui l'escortaient qu'il fallait du renfort......De son côté, le nouveau secrétaire général des indignés, tout gueux et peut-être ivre qu'il fût, s'était quelque peu enorgueillit de son titre et, remis sur ses pieds, il partît faire une petite virée aux alentours. Les renforts convergèrent vers la place. D'un côté, une escouade anti-émeute discrète et disciplinée prête à investir la place autant que nécessaire. De l'autre, un bataillon incongru de sans-abris et de paumés des rues.
Quasimodo criait haut et fort que la Place Centrale c'était chez-lui et que personne ne l'en délogerait! Les indignés étaient pris entre deux feux et les regards croisés propagèrent l'inquiétude parmi le groupe qui avait voulu ancrer sa présence contestataire dans une optique de résistance pacifique. La plupart poussèrent un bref souffle de soulagement quand le commandant de l'escouade décida de prendre à parti le vociférant Quasimodo. C'était le bouc émissaire idéal pour désamorcer la tension et éviter un affrontement violent avec des citoyens; on l'arrêta donc pour atteinte à l'ordre public et autres méfaits. Cependant, une jeune femme parmi les indignés s'indigna plus encore et s'interposa au moment où on allait passer les menottes au secrétaire général. Doutant de l'accent trop particulier de la jeune femme, un policier suggéra qu'on procède à des vérifications d'identités. Son visa d'étudiant étranger mis la jeune femme dans le trouble et on trouva d'autres cas à suspecter. La récolte suffisait pour le moment, le huissier décida de surseoir à l'injonction transmise. On commencerait par faire comparaître en cour quelques "têtes fortes" avant de revenir pour procéder à une évacuation sans grabuges.

Ce 18 novembre 2011 aurait vu se dérouler un fait divers presque attendu et quasi anodin si ce n'eût été de ce qui se passait alors au palais de justice d'Utopia. Un juge peinait à bien jauger de la valeur du témoignage d'une jeune immigrante indonésienne portant un nourrisson et menacée d'être expulsée de la contrée dans les 24 heures. Après le rejet de sa demande d'asile il y a un peu moins d'un an, la jeune danseuse de bar avait offert ses services de péripatéticienne à un proxénète anonyme grâce à l'entremise d'un client du bar et ce, dans le but d'obtenir un parrainage pour pouvoir demeurer au pays. Puis, en février dernier, cette jeune indonésienne répondant au nom prédestiné d'Esméralda aurait omis, était-ce volontaire ou non?, d'utiliser des moyens contraceptifs adéquats et elle s'est retrouvée enceinte au grand dam de son protecteur. Celui-ci l'aurait enjoint de se faire avorter et, pour compenser ses pertes financières escomptées, il a exigé d'elle qu'elle cache diverses armes à feu dans son petit appartement. Elle refusa d'obtempérer. Tant pis, elle fut vite larguée aux autorités qui avaient perdu sa trace. À l'arrêt d'expulsion s'ajoutait l'accusation de possession illégale d'armes à feu et de recel.

Aujourd'hui, le jeune avocat qu'on lui avait octroyée d'office plaide deux points: d'abord un minimum de clémence pour cette jeune mère célibataire qui porte un nourrisson d'un mois dans ses bras. Le bébé possède, lui, sa pleine citoyenneté. Ensuite, il demande une injonction pour interdire la destruction imminente du registre national des armes à feu à laquelle s'apprête à procéder le gouvernement; l'avocat croit pouvoir y trouver des éléments de preuves suffisants pour disculper sa cliente en regard de la nouvelle accusation.

Le coup de théâtre est survenu vers la fin de l'après-midi quand le juge a décrété une pause pour réfléchir aux enjeux de son éventuelle décision. Tous les prévenus à comparaître étaient regroupés dans une salle d'attente. Un officier gardait l'accès. Il y avait là qui attendaient un Quasimodo fier que la justice lui accorde enfin un peu d'attention. Les quelques indignés qui l'accompagnaient semblaient occuper les lieux comme si c'était une routine. Et l'attente s'étirait. Allait-on y passer la nuit? Il y eut un changement d'officier de garde et peu après on venait apprendre aux indignés qu'ils pouvaient quitter les lieux sans autre formalité. Le campement de la Place Centrale venait d'être démantelé et les indignés s'étaient déplacés sur le parvis d'une église désaffectée voisine. Debout devant le portail, ils avaient crié: "Asile, Asile!"

C'est ainsi que sans que le personnel ne le remarque Esméralda quitta le lieux avec Quasimodo et les autres indignés. L'officier de garde s'était contenté de balancer le total numérique de la liste des prévenus. Or une dame d'âge mûr qui s'était solidarisée avec le groupe des indignés avait fait signe à la jeune Esméralda de partir à sa place....

Le petit groupe retourna vers la Place Centrale, chercha un peu et finalement se retrouva sur le parvis avec les autres indignés. Les passants du quartier les informèrent que la bâtisse avait été désacralisée. On pointa un grand panneau indiquant "À Vendre". La fabrique paroissiale n'existait plus et ce qui restait de la paroisse avait été fusionné corps et bien à la paroisse voisine. Tant que l'évêque, administrateur légal jusqu'à ce que l'aliénation de l'immeuble soit chose faite, ne portait pas plainte à la police, le groupe pouvait squatter les lieux sans problèmes. Pour l'instant Esméralda pourra y vivre discrètement cachée et protégée par le silence des indignés à son sujet. Quasimodo a trouvé le moyen de faire sonner les cloches. En tant que secrétaire général il se promet de veiller à maintenir un minimum de discipline dans le groupe informel en faisant tinter les cloches à temps et à contretemps.

Quant à l'avenir, on dit qu'il est entre nos mains.


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